Aujourd’huisme

 

Je viens d’effectuer une petite recherche Google autour des termes « aujourd’huisme », « todayism » et « oggidisme ». Rien de très convaincant et en tout cas susceptible de consensus digne d’une wikipédiation.

A défaut de pouvoir déposer le terme à un INPI sémantique, j’en propose une définition autant personnelle que prospective. J’attends vos commentaires et suggestions…

L’aujourd’huisme, c’est le procédé rhétorique consistant à précéder une critique sociale par le terme « Aujourd’hui » (ou toute variante de type « de nos jours » ou de l’exécré – injustement, selon moi – « Au jour d’aujourd’hui »…), laissant ainsi entendre que « c’était mieux avant » (cf. le remarquable et drolatique livre homonyme de Michel Serres) et que « tout fout le camp ». Le « -isme » désigne donc un biais, comme dans « strabisme » ou « laxisme », plutôt qu’une idéologie, comme dans « communisme ».

Ce que l’aujourd’huisme n’est pas :
1) le modernisme : c’est même un peu son contraire
2) encore moins le présentisme !
3) la conscience de l’instant présent, au sens de la méditation par exemple, ou de l’image de Winnie et Porcelet qui illustre ce post.

Citations :
– « Il n’y a plus de famille aujourd’hui, il n’y a plus que des individus. » (Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, 1841).
– « C’est tout au plus si la volaille, à l’heure d’aujourd’hui, me paye le feu de ma cheminée. »
(A. France, La Rôtisserie de la Reine Pédauque, 1893).

5 réflexions sur « Aujourd’huisme »

  1. Parce que le renforcement par la forme a un vrai sens littéraire. Dire qu’ « il ne faut pas » répéter conduit à respecter un académisme rabougri. De même juger un usage « moche » parce qu’il est populaire contient une forme d’arrogance élitiste. Dans les faits, je pense que le succès populaire de l’expression « Au jour d’aujourd’hui » est dû à une vraie valeur esthétique, à une allitération plutôt mélodique. Bref, parce que je refuse tout jugement surplombant car réactionnaire. Un exemple : j’ai vu un candidat à HEC se faire défoncer en 1983 par le jury parce qu’il parlait d’un texte « stylé ». Aujourd’hui l’usage a normalisé ce qui était vu comme une erreur de plouc.

    Je cite Kundera dans « L’art du roman » (tout en étant conscient que renforcement et répétition sont voisins mais pas identiques) :

    REPETITION.
    Nabokov signale qu’au commencement d’Anna Karénine, dans le texte russe, le mot ‘maison’ revient huit fois en six phrases et que cette répétition est un artifice délibéré de la part de l’auteur. Pourtant, dans la traduction française, le mot ‘maison’ n’apparaît qu’une fois, dans la traduction tchèque pas plus de deux fois. Dans le même livre : partout où Tolstoï écrit ‘skazal’ (dit), je trouve dans la traduction proféra, rétorqua, reprit, cria, avait conclu, etc. Les traducteurs sont fous des synonymes. (Je récuse la notion même de synonyme : chaque mot a son sens propre et il est sémantiquement irremplaçable). Pascal : ‘Quand dans un discours se trouvent des mots répétés et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâterait le discours, il faut les laisser, c’en est la marque.’ La richesse du vocabulaire n’est pas une valeur en soi : chez Hemingway c’est la limitation du vocabulaire, la répétition des mêmes mots dans le même paragraphe qui font la mélodie et la beauté de son style. Le raffinement ludique de la répétition dans le premier paragraphe d’une des plus belles proses françaises : ‘J’aimais éperdument la Comtesse de… ; j’avais vingt ans et j’étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J’étais ingénu, je la regrettai ; j’avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j’avais vingt ans, que j’étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l’amant le plus aimé, partant le plus heureux des hommes…’ (Vivant Denon : Point de lendemain.) (Voir : LITANIE.) »

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